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A la vie, à la mort
Hier midi, pressée et à court d'idées, j'ai déjeuné au Mcdo. Entourée de djeunz.
Ceux de la table jouxtant la mienne discutaient tranquillement, lorsque je me suis installée à côté d'eux, de leurs profs-ces-salauds et leurs parents-trop-i-comprennent-rien, lorsque soudain l'une d'eux demanda aux autres : « à quel âge voulez-vous avoir de enfants ? ».
Débat, conclusion : quand ils seront « établis », donc à 30 ans.
Les pauvres ! S'ils savaient qu'à 30 ans ils travailleront encore pour rembourser le prêt ayant servi à payer les études qui leur permettent de travailler (cherchez l'erreur)... bref. Je m'en suis retournée à mon pas de sénateur à mon cabinet.
Ranger mes papiers.
Aujourd'hui, pas assez faim pour déjeuner, je lézarde tout de même un quart d'heure à une terrasse de café ensoleillée, sirotant un coca light, ultime perversion de celle qui pourra bientôt dire qu'elle a été irréprochable pendant neuf mois, entourée d'adultes « établis ».
Les discussions tournent autour de leurs patrons-ces-salauds et leurs gosses-i-comprennent-rien, lorsque soudain l'une demande à une autre : « est-ce que tu comptes avoir un autre enfant ? ».
Débat, conclusion : quand elle aura plus de fric, vers 35 ans.
La pauvre ! Croit-elle sérieusement aux promesses du gouvernement pour s'imaginer améliorer sa situation en quelques années ? Bref. Je m'en suis retournée à mon pas de sénateur à mon cabinet.
Ranger mes papiers.
Voilà à quoi sert mon ventre ces derniers temps : provoquer le débat.
Où que j'aille, quel que soit le type de population qui m'entoure, le ballon qui me précède de la moitié d'un mètre ramène inévitablement les gens à leur condition animale : il faut se reproduire. Faire des enfants. Leur donner vie.
Mais personne ne pense à l'enfant que je suis en train de tuer, à ce meurtre qu'est la grossesse.
On me parle de la joie qu'on a éprouvé à mettre au monde un enfant, ou de la tristesse qu'on ressent de n'en pas avoir. On ne me raconte plus que des histoires d'accouchement bien ou mal passés, de nurses à trouver ou de biberons à stériliser. On me force à participer à un débat vieux de trente ans et toujours pas réglé : faut-il allaiter ? Alors que je ne sais même pas si j'aurai du lait. On me culpabilise de n'avoir pas fait écouter de musique à mon ventre. On me reproche de n'avoir pas fait de sophrologie, ni de relaxation, ni participé aux travaux de telle autre secte pour oisifs.
Sans jamais se demander si j'ai envie d'entendre les récits de l'intimité des gens. Si ça me plaît d'oublier que j'ai une pudeur, parce que les autres considèrent le corps d'une femme enceinte comme une chose publique. Si c'est une bonne idée que d'expliquer à une future accouchée combien le travail peut être traumatisant. Si j'ai envie de ne discuter que de ma future maternité. Si même j'avais le temps pour toutes ces conneries.
Parce que, sachez-le, je travaille encore, à trois semaines du terme présumé, dix heures par jour.
Parce que chaque jour, telle une condamnée qui voit le terme arriver, je dois ranger un maximum de papiers. Faire place nette. Régler mes affaires avant mon départ.
Car c'est d'un départ qu'il s'agit lorsque l'on parle d'un premier-né.
L'enfant que j'étais agonise et cède petit à petit la place à celui que je fais.
Dimanche, j'ai donné les numéros de téléphone de mes parents à mon Amour, pour qu'ils les préviennent, le moment venu.
Non sans lui avoir précisé qu'il devrait leur rappeler que je les aurai tant aimés, si je dois mourir en couches.
Et cette pensée ne m'a pas effrayée.
Puis je lui ai fait jurer que s'il fallait choisir de sauver notre bébé ou moi, il choisirait le premier.
Car c'est bien ainsi que je l'entends : je ne suis plus la priorité.
Et cette pensée ne m'a pas effrayée.
Lundi, j'ai demandé à des amis et néanmoins confrères de bien vouloir me substituer dans les dossiers que je n'aurai pas réussi à solder le moment venu.
Voire de m'y succéder, si je ne pouvais plus jamais m'en occuper.
Et cette pensée ne m'a pas effrayée.
Mardi, j'ai passé le relais de mes activités associatives à d'autres, à la fois triste d'abandonner ces bébés, mais heureuse de le faire pour un vrai.
Et cette pensée ne m'a pas effrayée.
Et aujourd'hui, mercredi, je suis presque prête mais un peu effrayée.
J'aime mon Amour.
J'aime notre bébé.
Et j'ai hâte de passer ce qui me reste de vie à leurs côtés.
Mais je m'aimais bien aussi, moi, l'adolescente éternelle.
J'ai un peu peur de mourir.
Ou de grandir.
Je ne sais pas.
Mais je m'y suis préparée.
J'ai rangé tous mes papiers.
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Commentaires
2danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:093TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:114danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:12Et puis Cléo
t'as un mail... Je vais rester ici cet après midi. J'aime bien ici. C'est cool. C'est comme chez moi. En mieux écrit.5cirdanMercredi 12 Octobre 2005 à 15:12T'inquiète!
ça va bien se passer et fais couper le cordon à ton Amour, sérieux hein , si il veut, ça lui fera des souvenirs !7danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:13Tu peux aussi
te dire que dans trois semaines, tu pourras recommencer à picoler et à fumer des clopes!8TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:149danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:16Par contre
par rapport à la photo, je pensais pas que tu étais aussi vieille. T'as été à l'école ya vachement longtemps quand même...10TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:1711TimounchMercredi 12 Octobre 2005 à 15:18Moi qui croyais
que peut être tu avais déjà accouché... Moi dans mes papiers c'est le bordel, c'est grave docteur ?12danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:2013TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:21Pas encore
simplement elle est en train de taper le deuxième. d'ici un demi heure ce sera prêt...Rhooo
oui chuis vieille, et alors? Quant à fumer et picoler, hélas, il va falloir attendre d'avoir fini d'allaiter... ALORS NE ME TENTE PAS!15danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:22Rhooo
oui chuis vieille, et alors? Quant à fumer et picoler, hélas, il va falloir attendre d'avoir fini d'allaiter... ALORS NE ME TENTE PAS!18danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:23Tentation
Le jour où tu seras prête à te laisser tenter, n'hésite pas, appelle! Je suis le roi. (Rhum et Camel)19TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:2421danthyMercredi 12 Octobre 2005 à 15:2522maozriubhMercredi 12 Octobre 2005 à 15:2523TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:29vieux
quand t'auras mon âge, jeune couillon, tu apprécieras les traitements anti varices, pendant que moi j'ferais mon footing.24maozriubhMercredi 12 Octobre 2005 à 15:3025TschokMercredi 12 Octobre 2005 à 15:34Bon courage Cléo...
Une nouvelle vie commence mais l'ancienne ne s'arrête pas pour autant, foi de moi ;).27VolcaneMercredi 12 Octobre 2005 à 18:36à la petite fille
Cleo, je crois que c'ets la première fois que je mets un com chez toi. Bouleversée je suis. Ma petite princesse est née il ya 19 mois. Je suis une femme heureuse et comblée, j'aime mon Elav qui m'aime aussi. Je suis en train de créer le boulot de mes rêves, et j'écris tous les jours, ma passion.La petite fille en moi n'est aps morte, je te le jure. Elle est là. C'ets elle qui peut comprendre le sourire de ma Vicou, elle qui peut lui tendre une poupée et sentir sa joie alors, elle qui ressens si fort le bonheur de Vicou quand son papa rentre le soir...Elle se souvient si fort de son imaptience quand le sien rentrait. Non, Cleo, je te promets, tu ne mourras pas. La petite fille en toi est bien vivante, même si elle prend pas mal de coups...Les coups je les ai encaissés, et comme la petite fille que j'étais est une guerrière, elle s'ets relevée. Bisoux. Pardon de ce long com.28MalagaMercredi 12 Octobre 2005 à 22:5629KhalyaMercredi 12 Octobre 2005 à 23:43J'ai jamais compris
pourquoi tout le monde croit qu'une femme enceinte devient corps public.... Ca m'agace prodigieusement et si il y a bien un truc dont je n'aborde jamais le sujet en premier avec mes copines enceintes c'est le fait qu'elles le soit et je parle encore moins des horreurs qu'on m' a raconté sur l'accouchement. Bon sinon ma belle, ben relax et zen, et plein d'ondes positives pour l'arrivée du bout d'chou; :)30MartinJeudi 13 Octobre 2005 à 18:2331h le retour (juste pVendredi 14 Octobre 2005 à 09:39et ben
quand tu blogues, tu le fais pas pour rien toi... mais tu sais, le debat de savoir si la femme enceinte est une chose publique ou pas est au moins aussi vieux que celui de l'allaitement (les gens qui te mettent la main au ventre, ou te demande de leur dire le prenom que tu as choisis sans meme te connaitre, par pure curiosite...) Bon je dis ca, mais ai pas d'enfant moi...sur ce, bon courage pour la fin de ton enfance. Previens nous quand tu deviendras adulte pour de bon.32Dame ClaudiaSamedi 15 Octobre 2005 à 10:36Pas grand chose...
à dire...Juste qu'un jour j'aimerai avoir ce détachement pour pouvoir écrire...Je veux grandir...Bises :)33NaBLundi 17 Octobre 2005 à 02:4634AnitaSamedi 22 Octobre 2005 à 04:10cleo
Tu te fait rare mais a chaque fois ça vaut le coup. Il y a plein d'humour et de vérité sur ton blog. c'est très agréable a lire.35MakiSamedi 22 Octobre 2005 à 04:1336philibertSamedi 22 Octobre 2005 à 06:51De passage à CAJAR
je note une phrase " L'enfant que j'étais agonise et cède petit à petit la place à celui que je fais." commmmmme c'est beau, mais dites moi, madame, faudrait quand même pas exagéré, ce n'est que de l'amour tout ça, et c'est bien suffisant. bonne journée37MaîtresseLundi 24 Octobre 2005 à 13:03Echo...
Ce ventre public dont tu parles je l'ai découvert il y a peu en suivant la grossesse d'Ellavoila. Le ventre joliment rond d'une future maman tombe dans le domaine public jusqu'à l'accouchement. C'est un fait. Cela m'agace au plus au point. Toucher le ventre pour sentir la peau tendue, toucher le ventre pour sentir bouger, attendre un coup de pied... que fait-on de l'intimité? Ce texte me touche tant il est émouvant. Le bébé d'Ellavoila vient de naître, je suis encore toute retournée d'avoir enfin rencontré ce bébé que j'ai attendu avec elle. Mes pensées sont avec toi38SwannLundi 24 Octobre 2005 à 15:43Félicitations
Chère Cléo, nous ne nous connaissons pas, je viens de découvrir votre blog. Ce texte que vous avez écrit à propos de votre parentalité à venir est très beau, très humain. Vous allez entrer dans un nouveau monde, celui des parents. Vous allez dévcouvrir deux nouvelles contraintes absolues qui seront contrebalancées par une immense découverte. Première contrainte : parce que vous êtes mère, vous n'avez plus le droit de mourir, pour le père c'est pareil. Tous les délires propres à la jeunesse, au fait que vous fûtes une adolescente, seront depuis votre maternité, révolus. Deuxième contrainte : la peur quotidienne qu'il arrive quoi que ce soit a votre enfant. Mais cela est compensé par une Immense découverte : l'amour que vous allez prodiguer à votre enfant va vous faire comprendre l'amour que vous porte vos parents, vous allez aussi découvrir l'amour donné par un enfant. Honnêtement, ce n'est pas une mince affaire, loin s'en faut. Mais c'est d'une telle beauté, d'une telle intensité que rien ne peut l'égaler. Bienvenue39SwannLundi 24 Octobre 2005 à 15:46Si c'est un homme
Un petit aspect supplémentaire et j'en aurais fini avec cette diarhée verbale. Si c'est un garçon, Barbet d'Aurevilly avait écrit à juste titre que lorsque l'on donne un prénom à garçon, il faut toujours imaginer que ce prénom devra être prononcé par la femme qui l'aimera.40CharmeurMercredi 26 Octobre 2005 à 18:31Je retiens...
... que tu sais ranger les papiers... j'en ai plein à ranger chez moi... tu viens ?41ReveKMardi 1er Novembre 2005 à 21:24Cleo
Bon, c'est rare quand je laisse un com chez toi. Et puis d'habitude j'aime pas trop les femmes enceintes. Leurs propos sont niais ou presque, et le monde entier d'un coup tourne autour de leur ventre. Mais te lire ranger tes papiers encore et encore, et te demander si tu allais "grandir"... ça m'a fait sourire. Tout comme ta façon de voir le monde qui t'entoure... Ce qui me fait me demander Pourquoi tu grandirais ?Fraîchement débarquée,
j'ai atterri sur ce blog... je l'adore! Nul doute que tu as bien d'autres choses à faire que bloguer à présent, mais... je reste aux aguets pour la suite!!!Des
pensées pôur toi (ou "vous"?) ces temps ci... Et j'espere qu'il restera quand meme une grande adolescente au fond :)44maîtresseDimanche 6 Novembre 2005 à 22:1045maîtresseDimanche 6 Novembre 2005 à 22:1046soda slovaqueLundi 7 Novembre 2005 à 13:15bon alors????????
sexe? poids? taille? la maman se porte bien? et le père? fo le dire 1 bonne fois pour toute cé pour nous ke cé le + dur!
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enfin toi! Je te lirai dés que tu auras le temps.