• Je suis bordélique mais je me soigne.

    Précisément, je suis papiphile.

    Non pas que j'aime les vieux, mais le papier.

    Et je ne connais pas le mot adéquat pour décrire ce phénomène.

    Mais comme je connais plein d'autres mots compliqués, genre Caenorabditis elegans, je considère qu'il y a un point partout, balle au milieu.

     

    Donc je vis dans un fatras de papiers :

    -         Des papiers importants, surtout pour mes clients, parce que personnellement, je n'en ai rien à foutre, mais je les conserve en espérant leur envoyer, un jour, pour le soin que j'apporte à leurs papiers, un autre papier à mon en-tête avec marqué en gros et en titre « facture »,

    -         Des papiers liassés, tels des magazines, des journaux, et pas que des futiles hein, y en a aussi de boulot,

    -         Des papiers volants, de toutes sortes, servant de bloc-notes sauvage et dont je me promets toujours de les classer un jour,

    -         Des papiers agrafés les uns aux autres, en grands ou petits morceaux, recréant ainsi un agenda de fortune, sur lesquels sont notées les choses que j'ai à faire et mille références qui me semblent hyper importantes quand je les note, mais qui, lorsque je les relis quelques minutes plus tard, ne m'évoquent rien de plus qu'un « mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? » inquiet et flemmard, auquel je réponds en remisant par devers moi lesdites notes en espérant que la mémoire me reviendra plus tard, alors que j'en oublie jusqu'à leur existence,

    -         Du papier à lettres, de tous formats, de toutes couleurs, alors que je n'envoie que des mails, mais c'est si beau ce rose qui tue, et ce parme romantique, et ce bleu, et ce noir, et ce caca d'oie,

    -         Du papier recyclé en papier de brouillon, parce que je suis pire qu'Idéfix, je ne pleure pas quand on arrache un arbre : je tue ; alors je recycle tout et me retrouve régulièrement à essayer de comprendre ce que j'ai bien pu vouloir imprimer sur cette publicité,

    -         Du papier relié, par une couture ou des spirales, généralement de chez Muji ou Clairefontaine, parce que j'adoooooooore les cahiers et carnets, qu'on en a toujours besoin, que ça peut servir, que la couverture est jolie, ou simple, ou me rappelle mon enfance, et que c'est tellement beau que ça deviendra collector, alors il ne faut surtout pas écrire dedans, j'en rachèterai un identique pour m'en servir, celui-là je le garde en souvenir,

    -         Du papier chiant, des pubs, des catalogues, qui, je vous l'accorde, mériteraient eux de finir à la poubelle, mais bon, on ne sait jamais, il faut lire avant de jeter, ça peut servir,

    -         Du papier coloré en tous petits morceaux rectangulaires, généralement violet avec une bande brune, oui je sais, ce sont des tickets de métro usagés, mais on ne sait jamais, ça peut servir aussi,

    -         Et bien sûr, mon agenda, mes livres, mes dictionnaires, ben oui je fais la collec' et alors ?, mes cours depuis le bac, je sais, j'ai eu mon bac en 1992 et depuis j'ai toujours eu une carte d'étudiant, quelques cours d'avant le bac, quelques manuels scolaires programme lycée, du courrier en souffrance, des factures pas mieux, des extraits de compte non classés, des justificatifs de frais pareils, etc., etc.

     

    Je croule sous le papier.

     

    J'adore.

     

    Autrefois, je faisais même à chaque événement une « revue de presse » complète.

    En fait de revue de presse, j'achetais TOUS les journaux qui traitaient du sujet, de l'Huma à Minute, pour avoir un échantillon de la pluralité d'opinions en France à telle époque, à tel propos.

     

    Et je gardais chaque exemplaire du Monde que je lisais.

    Or j'étais abonnée.

     

    Ça, ça va, je l'ai réglé.

    J'arrive presque à jeter les journaux et magazines.

    Mais seulement quand ils datent de plus d'un an.

    Arf.

     

    J'ai bien eu deux palms.

    J'en ai cassé un.

    On m'a volé l'autre.

     

    Retour au papier.

    Personne ne vole une serviette en papier de restaurant sur laquelle est inscrite RV EN 30 14 15.

    Et pour cause : on n'y comprend rien. Pas même moi.

     

    Je vivais donc très bien sans agenda électronique.

     

    Jusqu'à ce que ma mère, que j'adore, me demande ce qui me ferait plaisir pour Noël.

    Aïe.

    J'ai tout.

    Je suis très gâtée.

    « Un palm ? » ai-je répondu après six heures d'interrogatoire, à bout de forces, en croyant me souvenir que c'était pratique et que ça me permettrait de virer quelques papiers...

     

    Aussitôt dit, aussitôt offert.

    Il est beau.

    Il fait tout : agenda, carnet d'adresses, album photo, lecteur de sons et vidéos, tableur, traitement de texte, jouet, internet, il y a même msn messenger (au secours ! comme si je ne surfais pas assez sur le net...), et pleins d'autres fonctions que je n'ai pas encore découvertes. Mais les jeux sont cools. Il y en a notamment un où il faut casser des bulles jusqu'à vider l'écran. C'est débile, mais pas si facile que ça en a l'air. Et ça occupe.

    Donc très pratique ce gadget.

    Et j'adore les gadgets.

    Un bijou.

    J'ai mis la bite de mon chéri en écran d'accueil, et mon cul en mémoire.

    Super.

    Ça me manquait.

    J'ai rentré mes rendez-vous, avec des couleurs et des alertes.

    Génial.

    Ça me fait deux agendas à tenir au lieu d'un.

    J'ai pris mes petits papiers sur lesquels j'avais noté ce que j'avais à faire. J'ai tout enregistré dans le joujou, avec ordres de priorité et alertes aussi.

    Grandiose.

    De la place sur mon bureau.

    Et j'ai contemplé.

    Jusqu'à ce que ça sonne.

     

    Parce que voyez-vous, il fait tout, sauf le boulot.

     

    Du coup, je me retrouve avec une machine infernale qui sonne toutes les cinq minutes pour me rappeler que je suis une feignasse en retard, et je passe mon temps à changer les dates d'échéances des tâches à accomplir dans l'espoir vain de moins culpabiliser.

    Résultat, je perds mon temps à essayer de l'organiser.

     

    J'ai dû créer une alerte pour me rappeler de mettre à jour ce bidule !

     

    Alors d'accord, j'adore ce truc.

    C'est trop moderne et top, et tout ce que vous voudrez comme superlatifs.

    Ça évite le bordel, c'est sûr.

     

    Mais quand je l'entends, je sursaute.

    Le papier prend plus de place, mais fait moins de bruit.

    Or, si je supporte le bordel, je ne supporte pas le bruit.

     

    Je crois que ma mère a voulu me faire passer un message avec son cadeau...

    Mais lequel ?

    Elle dit souvent « range ta chambre ».

    Mais aussi « il vaut mieux travailler peu mais souvent, que beaucoup et rarement ».

    Et encore « arrête de dire que tu es stressée et débordée, tu attends toujours la dernière minute pour t'y mettre parce que tu ne sais pas travailler autrement. En attendant, tu bulles bien, non ? ».

    Mais pas du tout.

    Je suis débordée !

    -         Toi débordée ? c'est un genre que tu te donnes.

    -         Mais Maman, je t'assure ! Je bosse 70 heures par semaine, et ça ne suffit encore pas.

    -         Ma fille, je t'aime malgré tes défauts. Et d'ailleurs, j'en assume ma part de responsabilité. Mais s'il y a une chose que je ne peux pas t'entendre dire, c'est que tu passes ton temps à travailler. Tu ne l'as jamais fait. Je ne crois pas que tu le feras un jour.

    -         Maman, tu déconnes, si tu permets ! Je te dis que je ne fais que ça !

    -         Pfff... dois-je te rappeler que ton père a passé ton année de terminale à te demander si tu avais choisi l'option Tetris au bac ?

    -         Faut se détendre parfois...

    -         Mmmh. Et en quatrième, tu te souviens ?

    -         Quoi ?

    -         Ta prof de maths... elle t'avait mise au fond de la classe, trois rangs derrière tout le monde pour que tu arrêtes de discuter. Résultat, tu passais tes cours à faire voler des papiers avec des messages codés, ce qui perturbait tout la classe, parce que tu n'indiquais jamais le destinataire.

    -         Je ne voulais pas lui créer d'ennuis. Et d'abord si j'étais au fond de la classe, c'était parce que je suivais le programme de maths de l'année suivante.

    -         Oui. Aussi. Parlons-en. Pourquoi t'avait-elle concocté un programme spécial ?

    -         Parce que j'étais douée.

    -         Oui et FEINEANTE ! Tu arrivais en cours les mains dans les poches sans avoir fait tes devoirs et corrigeais les exercices en direct au tableau. Elle espérait te faire travailler un peu en te donnant plus difficile.

    -         Je vois le genre : c'est pour mon bien qu'elle voulait me faire cravacher.

    -         Exactement. Mais ça n'a pas marché, hélas.

    -         Ben si : je prépare mes dossiers quand même.

    -         A d'autres ! Tu te sers de ta mémoire prodigieuse pour retenir ce que les autres oublient, ce qui te permet de coincer l'adversaire sur des détails.

    -         On appelle ça connaître son dossier...

    -         Pas à moi s'il te plaît. Je sais très bien que ta mémoire est tordue : tu ne retiens que les détails, jamais le banal. Tu es incapable de te souvenir de ce que tu as fait ce matin, alors que tu peux réciter au mot près un rapport d'autopsie avec les termes techniques en l'ayant lu une fois en diagonale il y a plusieurs mois.

    -         Alors là, je t'arrête : je sais très bien ce que j'ai fait ce matin.

    -         Ah ?

    -         ... euh... zut, j'étais persuadée de l'avoir noté dans mon bidule électronique...

    -         Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip !

    -         Hein ?

     

    Zut, ça re-sonne.

    On ne peut même plus se disputer avec la projection de sa mère tranquillement...

    Pire qu'elle, ce truc !

     

    -         Bon. Qu'est-ce que tu me veux, toi le bidule bruyant ?

     

    Arf, ma mère...

    Déjà que je l'entends me parler dans ma tête... avais-je vraiment besoin d'ajouter des bips à ma névrose ?

    Ça me fait un deuxième interlocuteur fantôme à qui parler...


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  • Arf

    Comment dire?

    La page blanche.

    Ou plutôt, la flemme d'écrire.

    Je voudrais pouvoir brancher directement mes neurones sur l'ordi.





    En attendant que ce ne soit possible, je m'en tiens à la télépathie.

    Concentrez-vous et vous capterez le post que je n'ai pas écrit, les photos que je n'ai pas publiées et les commentaires que je n'ai pas laissés.

    Ainsi que les salutations que je n'ai pas présentées.






    La prochaine fois : hypnose.


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  • Juste pour contrebalancer la longueur des précédents.

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  • Certains auront peut-être relevé l'un des paradoxes de ma personnalité : je suis athée, pure et dure, et pourtant je fête Noël et la Saint-Nicolas.

    Révélation : je fête aussi l'Epiphanie, la Chandeleur, et toutes les occasions d'essence judéo-chrétienne.

     

    Voilà ce que c'est que d'avoir été élevée par des soixante-huitards en Moselle.

     

    Avoir des parents militants entraîne certaines conséquences :

     

    -         On apprend à marcher et à parler pendant les manifestations, de manière qu'à tout jamais on ne sait pas marcher au pas cadencé mais dans une joyeuse pagaille et on parle un peu plus fort que la moyenne,

     

    -         On est toujours prompt à brandir pancartes et banderoles lorsqu'on croit voir une injustice quelque part et on appelle à la grève partout où on passe (en maternelle, j'ai entraîné mes camarades à quitter l'école pour manifester contre la sieste paraît-il ; en primaire, je ne sais plus pourquoi ; au collège, parce qu'on nous a fermé les toilettes pendant les heures de cours pour éviter les promenades au prétexte d'une envie pressante ; et au lycée... arf le lycée... grève des cours, c'est plus simple),

     

    -         On est persuadé que la maxime parentale « Sois bonne avec le monde et le Monde deviendra bon » est vraie, et on se prend des baffes tout sa vie parce qu'on croit au mythe du bon sauvage,

     

    -         On rêve d'un monde meilleur où les hommes seraient égaux et libres, mais le temps aidant, on préfère qu'ils soient égaux dans la richesse (ben oui, les soixante-huitards se sont enrichis avec l'âge, et s'ils conservent de hautes valeurs, ils n'entendent pas refaire un stage-ouvrier prochainement : ils préfèreraient que le camarade ouvrier vienne faire un stage-patron à vie...),

     

    -         Etc. Je m'arrête là, car je pourrais parler des heures de mes parents communo-mao-trotsko-socialo-anarcho-capitalistes.

     

    Mais être élevée en Moselle entraîne d'autres conséquences :

     

    -         On vit sous le régime du Concordat : l'Eglise et l'Etat ne sont pas séparées. Attention au contresens : il ne s'agit pas d'une gouvernance catholique. Il s'agit juste d'intégrer le culte, quel qu'il soit, au fonctionnement des institutions laïques. C'est ainsi qu'à l'école les enfants suivent des « cours de religion ». Chacun va suivre les enseignements de sa confession, ou file faire des dessins chez la directrice en primaire ou au cinéma dès le collège s'il est athée. Dans ce régime, il y a donc beaucoup plus de jours fériés que partout ailleurs en France et on s'habitue à chérir les jours de fête religieuse parce qu'ils sont synonymes de bullage en bonne et due forme. Mais il faut admettre que même si les élus se sont attachés à donner à chaque communauté religieuse la possibilité d'exercer son culte, la région est de tradition judéo-chrétienne en majorité, et ce d'autant plus que les nombreuses familles qui y ont immigré aux siècles précédents pensant faire fortune dans les mines ou la sidérurgie (arf, quelle déception !) étaient généralement issues de pays eux-mêmes judéo-chrétiens tels que l'Italie ou la Pologne,

     

    -         On vit donc dans un monde où l'on n'entend pas parler de luttes entre religions, car celles-ci s'exerçant dans la plus grande liberté, nul besoin de les revendiquer, et l'on découvre avec horreur quelques année plus tard lorsqu'on vit ailleurs que cette paix n'est pas générale sur le territoire français et qu'il faut choisir son camp camarade, alors que jusque-là personne ne vous a jamais rien demandé,

     

    -         On grandit avec pour ligne d'horizon les usines de sidérurgie désaffectées qui rouillent en silence (et Papa en fond sonore qui vous explique combien d'ouvriers exploités y ont laissé leur santé, mais combien aussi c'est un drame de ne plus voir l'acier en fusion couler et lesdits ouvriers pointer au chômage), les mines fermées les unes après les autres (et Maman de vous chanter la complainte de la femme du mineur qui n'a jamais vu son mari refaire surface après un coup de grisou, Maman elle-même fille de mineur...), les casernes d'une ville de garnison qui se vident peu à peu, les vestiges d'une occupation allemande de trente ans, et l'habitude de côtoyer ses voisins européens sans qu'il soit besoin d'une Constitution pour cela. Un paysage si triste qu'il en est beau, dans lequel poussent aussi des villes bourgeoises et cultivées, nées des échanges intracommunautaires avant l'heure, de l'habitude que l'on a gardée depuis le Moyen-Age de considérer la frontière comme une fiction politique à laquelle on tient, certes, mais qui n'empêchera jamais d'aimer le voisin, et même souvent, de l'épouser, entre deux guerres qui, elles, laissent les champs grêlés d'obus, au point que régulièrement l'on évacue des villages entiers pour extraire les relents de l'Histoire,

     

    -         On se développe donc au sein d'une société panachée, où la nounou ne parle qu'italien, à qui l'on répond en français, alors que certains de nos petits camarades parlent le polonais, le flamand, l'allemand, le turc, l'arabe ou le persan à la maison, et l'on se sent Lorrain avant tout, dans cette Babel des temps modernes,

     

    -         On vit dans une région attachée aux traditions, pas vraiment parce qu'il est important de fêter Saint-Nicolas ou l'Epiphanie, surtout si l'on n'est pas chrétien, mais plutôt parce qu'au fil des siècles, des mets divers et variés ont été créés pour chaque occasion. La crise de foie, plus que la foi. Une larme me vient à l'œil rien que de penser au stöllen du jour de Noël, aux Saints-Nics en pain d'épices, aux sablés de Décembre, au calendrier de l'Avent rempli de petits chocolats (que mes parents m'offrent encore chaque année, malgré mon âge plus très tendre), aux mirabelles accommodées de mille manières pendant leur fête et distillées dans les fermes toute l'année, etc., etc., arf, j'ai faim,

     

    -         On réside sous un climat continental accentué qui offre certes des demi-saisons pourries, mais aussi de beaux étés bien chauds et des hivers sous la neige ; alors on aime les grands sapins décorés (même si quelques années plus tard, on préfère mourir que d'en tuer un de plus), les batailles de boules de neiges pendant les vacances d'hiver, le chocolat chaud au retour de la ballade en forêt par moins dix et le feu qui crépite dans la cheminée,

     

    -         Et l'on s'accommode de ce drôle d'accent un peu péquenaud que les Mosellans traînent, parce que vraiment, on aime grandir en leur sein.

     

    Alors voilà.

    Je suis athée, mais je fête Noël.

    Par régionalisme.

    Que dis-je : par « départementalisme », voire « municipalisme ».

     

    Parce que mes parents, égalitaires, donc ne voulant pas que je sois la seule de l'école à ne rien fêter, ont décidé que c'était la fête des enfants, et que quand on vient de là-bas, on reste à tout jamais un enfant.

     

    Donc : Joyeuses fêtes, les enfants !

     

    Même si c'est triste finalement cette fête imposée, même si le monde continue de pourrir pendant ce temps, même si d'autres meurent de faim pendant qu'on fait bombance, profitez-en !

    Je hais Noël, mais suis ravie de le passer avec mes parents.

     

    Je vous souhaite le même bonheur.

     

    Je sais, c'est paradoxal.

    Mais bon, je ne suis plus à ça près.

    Et il y aura du stöllen.

    Alors faisons contre mauvaise fortune, bonnes papilles...

     

    Joyeux Noël, ou Hanoukka, ou fête de je ne sais quoi !


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  • Pour la n-ième fois,

     

    Je suis athée, libertaire, un brin anarchiste, et, comme dirait mon ami diplômé de philosophie : relativiste absolue.

    Il entend par là, que pour moi, tout se vaut, rien n'est grave, rien ne compte. Ou le contraire : rien ne vaut, tout est grave, tout compte.

     

    Un choix de vie : ne jamais juger autrui parce que je n'accepte pas qu'on me censure moi-même.

    Ne jamais donner de leçons, car je n'aime pas qu'on me la fasse.

     

    Il n'y a pas de hasard : j'ai cru embrasser une profession malgré moi, parce que le concours pour être magistrat m'aurait demandé un an de préparation et que je suis une feignasse, alors qu'inconsciemment j'ai choisi la seule qui pouvait me correspondre, celle où l'on tente de convaincre, mais où l'on ne dispense pas la bonne parole.

     

    Je hais les censeurs.

    Je ne vais pas m'ériger en gourou.

     

    Donc je ne viens pas ici pour vous expliquer la vie, ni pour me l'entendre expliquer.

     

    Pour la n-ième fois,

     

    Je suis paresseuse, douée et orgueilleuse.

    Ça tombe bien : ça va ensemble.

     

    Question fainéantise, vous ne trouverez pas mieux : même faire la gueule m'ennuie.

    Ça bouffe du temps et de l'énergie, et j'ai mieux à faire.

     

    Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis.

    Je laisse donc chacun avoir ses humeurs, bonnes ou mauvaises, et me garde bien de les lui reprocher.

     

    Donc je ne viens pas ici pour me livrer à des guerres de clochers et savoir si je parle à telle ou telle personne, en considération de ce qu'il a pu dire précédemment.

     

    Pour la n-ième fois,

     

    Je suis flippée, post-dépressive, boulanorexique, névrosée, à tendance psychotique, bien que mes deux psychiatres soient en mesure d'affirmer que je ne souffre d'aucune maladie mentale.

     

    Je ne suis donc pas de bois et ai parfois des baisses de régime conséquentes.

    Lorsque la misanthropie me gagne, je m'efface du monde pour qu'il n'ait pas à me subir.

     

    Donc je ne suis pas ici pour vous fatiguer avec mes états d'âmes, mais j'estime néanmoins avoir le droit d'en avoir, et même d'écrire dessus si ça me chante.

     

    Pour la n-ième fois,

     

    Je suis espiègle, cynique, ironique, absurde et aimant prêter à rire (voire donner).

    Je me moque de tout, de tous, partout, tout le temps.

     

    Dans les deux sens, la moquerie.

    Parce que je commence par moi.

     

    Que faire le pitre m'amuse.

    Et j'insiste sur  le verbe réfléchi.

    Et aussi sur le double sens du dernier mot de la phrase précédente.

     

    Je chatouille les autres et me chatouille pour vérifier que nous sommes vivants.

     

    Je ne crains rien tant que l'ennui.

     

    Donc je ne suis pas là pour sombrer dans la morosité ambiante.

     

    Pour la n-ième fois,

     

    L'ambiance de Bloggland me soûle ces derniers temps.

     

    Pas Bloggland : j'aime l'idée de cet îlot de liberté dans le grand consumérisme du net.

    Laurent et Thomas sont à mon sens parmi les derniers aventuriers de la toile. Des révolutionnaires. Des anarchistes. Des utopistes.

    Je les aime pour leur liberté, pour le mal qu'ils se donnent pour nous la faire partager, et pour leur bienveillante discrétion.

     

    Pas non plus les bloggueurs : je l'ai dit et répété, je les aime tous, tels qu'ils sont, ou paraissent, ou veulent être... Je me fiche de la réalité. Je les aime dans leur virtualité et ça me suffit.

     

    Mais l'ambiance : oui.

     

    Au secours !

     

    Je croyais qu'on avait réglé ces problèmes de mythomanie probable lorsqu'Alchy l'avait évoquée.

    Je croyais qu'on avait réglé ces problèmes de liberté de ton et de sens de chacun lorsque Sombre Univers nous l'avait reprochée.

    Je croyais qu'on avait réglé ces problèmes de popularité cherchée ou fuie, lorsque le blogtraffic avait disparu.

    Je croyais qu'on avait fait de ce village le village idéal.

     

    Hélas, il a fallu que la princesse du village, la Princesse au Petit Pois, décide de nous régler nos comptes.

     

    Chacun en a pris pour son grade.

    Et comme elle est puissante, chacun s'est plié à sa loi, et s'est remis en question.

     

    Sélène s'est sentie obligée de nous livrer le maximum d'informations sur sa vie réelle, au risque de se faire reconnaître.

     

    NaB s'excuse presque d'écrire ce qu'il pense sur son propre blog.

     

    Tschok s'impose une pénitence pour avoir été impertinent.

     

    Dulcineia fuit tout commentaire qui pourrait paraître désobligeant, de peur qu'une guerre n'éclate.

     

    Et j'en passe.

     

    La princesse a foutu la merde au royaume : les sujets n'osent plus parler.

     

    Je le sais : j'en ai fait les frais.

     

    J'ai tenté de rester le fou du Roi, de faire la folle.

     

    Relativiste absolue, je l'ai laissé faire sa révérence sans la supplier de rester, et je me suis amusée de ses reproches : quoi ? On oserait être aimables les uns envers les autres ! Sacrilège ! Détestons-nous ! Quoi ? On oserait ne pas décliner son identité en entrant ici et ne pas tout dire, même l'inintéressant ! Cachotteries !

     

    Au cachot les gens libres d'esprit !

     

    Prisonniers politiques, pour avoir osé profiter de la liberté que la princesse chérissait tant.

     

    La Terreur est instaurée.

     

    Plus un commentaire de travers.

     

    Que des posts de justification.

     

    Et politiquement corrects de préférence : faudrait voir à ne pas se faire taxer d'orgueilleux ou de cynique.

     

    Faudrait voir à ne pas trop dire ce qu'on pense pour peu que notre « public » le prenne mal et nous boude.

     

    Faudrait voir à préserver le consensualisme pour s'attacher des lecteurs.

     

    Hélas !

    Je ne suis pas là pour ça non plus.

     

    Je me suis expliquée mille fois là-dessus : la popularité m'ennuie.

    Elle est un frein à ma créativité.

     

    Et je n'écris pas pour les autres, mais pour moi.

     

    J'en ai besoin. J'en ai toujours eu besoin.

     

    Je vis dans un capharnaüm de papiers, carnets, disquettes, cd sur lesquels sont portées mes notes, mes ébauches, mes nouvelles, mes esquisses, mes réflexions, riches ou pauvres, mes écrits.

     

    Je ne peux vivre sans le langage, bien que je sois souvent mutique.

     

    Je poursuis perpétuellement un dialogue intérieur (non je ne suis pas psychotique).

     

    J'en écris des bribes.

     

    Je relève des citations.

     

    Je lis. Tout. Y compris vous.

     

    Je bouffe des phrases, des lettres, des mots.

     

    Pas le choix : c'est une drogue.

     

    Pas de but : rien à faire de l'orgueil, du nombrilisme, du public, des lecteurs...

    Ce n'est pas pour les satisfaire que j'écris, mais pour me satisfaire.

    Et ce n'est pas une mince affaire.

     

    Mais, fidèle à mon principe : ma liberté est en libre-accès.

    Chacun peut lire, commenter, aimer ou détester.

    Pourvu qu'il me laisse la liberté réciproque : le lire et lui répondre.

     

    Alors cette ambiance... Je la trouve anxiogène.

     

    Où est la liberté de ton que j'ai trouvée en entrant ?

     

    Je ne jette la pierre à personne : je ne juge pas.

    Je prends juste acte : je m'ennuie depuis « les événements ».

     

    Et comme je ne crains rien tant que l'ennui, je m'en retourne à mes activités solitaires.

    J'ai longtemps eu l'habitude de m'amuser seule.

    Je peux encore le faire.

     

    Je ne boude donc pas : je cherche juste un vent de liberté.

     

    Qui ne souffle plus ici.

     

    Je ne voudrais pas que mes soupirs le remplacent.

     

     


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